Une fois de plus, je me lève avant le soleil. Bon d'accord, en décembre, c'est beaucoup moins douloureux qu'en juin, il faut bien l'avouer. Cela n'empêche le chat de me regarder avec des yeux inquiets de me voir dormir moins de 20 heures par jour. Avant de se rendormir immédiatement, il n'est pas inconscient, lui... J'enfile mes habits, sweat épais, bottes fourrées, bonnet, manteau, le gréement lourd en quelque sorte. Comme (presque) tous ces vêtements sont en fait des vêtements de travail (Cat... et Car..., pour tout dire), je pourrais me fondre aisément dans une horde de dresseur de pelleteuse pour extraire de l'or dans le Yukon... Comme on dit, je porte la voilure du temps et je suis sûr de pouvoir passer des heures dans le vent froid sans subir. Un petit coup d'ordi pour regarder les dernières prévisions, les cartes météo et les observations du sémaphore : on est en plein dedans ! Ca souffle dur : rafales à 137 km/h... Le cata du matin à été annulé en raison de la météo, on s'en doutait, mais c'est confirmé... Du coup, ce n'est pas la peine d'aller au Port pour l'instant. Allez, en route !
Je pars en direction du SE, vers la Pointe des Corbeaux, pour le lever du soleil. J'imagine qu'on ne pourra pas le voir surgir au dessus de l'horizon avec ces nuages, mais comme il y a de nombreux trous dans la couche nuageuse, il est possible qu'à un moment ses rayons déchirent le ciel... Sur la route, je me rends compte que la petite Ana n'a pas gardé ses mains dans les poches : ça et là des branches ont été cassées, la route est couverte de pommes de pin et d'aiguilles. Rien d'affolant, c'est normal, ça arrive tous le temps quoique puisse en dire la télé ! Je prendrais bien quelques photos de la 'catastrophe' et des 'dégâts importants' engendrés par la 'forte tempête' pour montrer les 'conséquences du réchauffement climatique', mais il n'y a pas assez de lumière et je voudrais arriver assez vite aux Corbeaux. Je verrais cela plus tard, en remontant dans le Noroit'...
Arrivé aux Corbeaux, l'ambiance est dramatique : le ciel est sombre, les embruns volent, soulignant les faisceaux lumineux du phare, et même si la mer n'est pas très grosse, ça racasse tout de même !
Le soleil ne va pas tarder à se lever, on est toujours dans la Blue Hour ou Heure Bleue, et les herbes le long de la route plient sous l'agression des fortes rafales. J'aime bien ces poses longues car on ne sait jamais ce que l'on va obtenir exactement avant que l'image n'apparaisse sur l'écran : trop de vent, pas assez, trop flou, trop statique en fonction du moment... Un fois les réglages trouvés, je prends une multitude de clichés pour n'en sélectionner qu'un.
La teinte de la lumière se rechauffe petit à petit à mesure que le Soleil monte, je file au bout de la Pointe. Là, j'apercois un chalutier faire route péniblement contre la mer pour se mettre à l'abri de l'Ile. A bord, quand il y a de la mer, on est vite au courant qu'on a dépassé la Pointe des Corbeaux, sans avoir besoin de regarder par les carreaux : la maison se met à bouger et tout ce qui n'a pas été convenablement arrimé s'anime brusquement et part parfois en promenade... La vie ne doit pas être confortable à bord en ce moment, et j'imagine qu'ils vont faire une escale au port en attendant que les choses se calment un peu. En fait, non, puisque Rodrigue les a photographiés un peu plus tard vers la Pointe du But...
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Il est temps de remonter vers le Port, pour avoir des informations sur les éventuels départs de bateaux pour ne pas rater ça. De retour dans les petits chemins le long de la côte, je suis un peu déçu puisque quelqu'un a dejà ramassé les quelques branches au sol qui m'auraient permis de faire une photo de l'Ile d'Yeu détruite par la terrible Ana... Peut-être qu'elles vont faire le bonheur d'un chat devant une cheminée dans quelques heures !
La couverture nuageuse devient de moins en moins dense et on voit clairement les nuages défiler dans le ciel. J'en profite donc pour faire des poses longues des bateaux attendant qu'Ana tourne le dos, amarrés le long de la gare. Ce n'est pas une grosse réussite pour les catas car ils 'courent sur leurs amarres le long du quai' : ils bougent quoi ! C'est tout à fait normal, malgré l'amarrage renforcé : l'élasticité des amarres permet d'amortir l'énergie et d'éviter de tout casser. Par contre, sur une pose de plusieurs secondes ça se voit... J'ai beau faire plusieurs essais, ils ne tiennent pas en place ! Les amarrages sont tellement solicités que les gars de la SNSM décident de mettre le canot' à l'abri dans le Port de Plaisance.
De l'autre coté de la Gare, le bassin est plus calme et l'INSULA OYA 2 reste bien sagement à sa place : à son âge, on ne coure plus dans tous les sens pour un rien ! Evidemment, ce n'est pas le cas des jeunes yachts voisins... J'aime bien, je trouve que cela renforce le statisme de l'INSULA, le rendant presque majestueux, comme s'il était au-dessus de cette agitation.
On me confirme que le cata partira à 14h15 avec les étudiants, soulagés (?) de pouvoir enfin aller à l'école... Si la lumière est de la partie, il va sûrement y avoir moyen de faire des photos intéressantes du PONT D'YEU sortant du port ! L'INSULA, lui, ne partira pas à midi mais cette nuit, tant pis !
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Je reprends mon chemin en direction de la côte sauvage en passant par les Broches alors que le soleil se fait de plus en plus présent.
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De ce bord de l'Ile les conditions sont chaotiques : la mer est blanche, la route est couverte d'écume et l'air est empli d'embruns. Maintenant, le soleil est bien présent et il s'implique à fond dans la guerre qui se déroule le long de la côte entre la Mer et la Terre en projetant sur les bélligerants une lumière puissante et très dure. C'est très beau à regarder, mais c'est assez dur à photographier avec ces contrastes de malade qui masquent la finesse des détails. En plus, il faut nettoyer l'objectif en permanence à cause des embruns. C'est le moment de faire une pause avant le départ du PONT D'YEU pour manger, vider les cartes mémoires et essuyer tout le matériel...
Je suis largement en avance pour photographier le départ du bateau. J'ai le temps de m'installer avec mes jouets et de faire des essais. J'ai pris mes deux boitiers, le 700D en 17-40mm pour faire des plans larges du port et le 6D en 70-200mm pour des plans plus éloignés du cata, des filtres sont installés (ND1000 et GND8) sur le 700D pour augmenter le temps de pose et assombrir le ciel... On est paré, moi et mes copains, il peut venir chou canot' !
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Pour ceux qui se demanderaient, la traversée s'est bien passée quoique un peu mouvementée ! Pour sûr, il y a quelques inconvénients à habiter au milieu de l'océan, dont celui de se faire secouer l'estomac quand il ne fait pas beau et que l'on doit aller sur le continent ... pour aller à l'école ou chez le médecin, en plus ! Sale journée pour certains...
Empli d'une joie puissante d'avoir pris cette série de photos, je rentre chez nous pour commencer le tri et le traitement qui promettent de durer quelques jours...
Je ressors finalement un peu plus (trop) tard pour profiter de la lumière du soleil couchant. Il y a avait des photos interessantes à faire... il y a une vingtaine de minutes ! Déçu, je retourne au post-traitement en faisant le grand tour pour profiter tout de même du paysage. Je tombe alors sur un gros rocher qui pleure régulièrement des mètres cubes d'eau salée sous un ciel gris. Allez, ce sera la dernière d'une journée bien remplie !
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, cette photo n'est pas en noir et blanc. Au contraire, la saturation est poussée à fond ! On peut d'ailleurs deviner ici ou là quelques teintes subtiles. Il est vrai que le paysage était terriblement monochrome (non, je ne parlerai pas de nuances de gris. Trop facile !) et, qui plus est, capturé à l'heure où les chats embauchent...